Qu’en est-il de la conscience de l’interprète, de sa perception des liens qui unissent sa pensée musicale à sa sensibilité via l’instrument ? « Tout ce qui reste inconscient est imperfectible.” Marie Jaëll A la suite de recherches approfondies sur ces liens qui unissent le pianiste à son instrument, Marie Jaëll définit une méthode, appelée Méthode du Toucher, fondée sur la connaissance de la physiologie et le développement de la sensibilité tactile. Savoir exprimer et retrouver le langage musical d’une œuvre, revient à savoir relier les sons d’un groupe entre eux, revient à savoir comment sentir et préparer sa main pour exprimer ce langage des sons. Cette prise de conscience des liens sensoriels qui unissent le pianiste à son instrument trouve une résonance plus profonde en nous : une prise de conscience totale de ce que nous sommes et de ce que nous pourrions être. Marie Jaëll touche ici au problème complexe de la nature humaine, et franchit les barrières de la psychologie de l’homme. “Explorer l’inconscient dans le sous-sol de l’esprit avec des méthodes spécialement appropriées, telle sera la tâche principale du siècle qui s’ouvre.” a dit Bergson. La pédagogie de Marie Jaëll permet de libérer nos ressources, de les dégager de l’ombre, pour les mettre au service de l’expression musicale. La passion de comprendre l’Art passe aussi par la science, la technique et l’art sont intimement liés. Ce point de vue sur les rapports de l’homme avec l’art, de l’interprète avec l’expression du langage musical, passe par la perception que nous avons de notre corps, et plus spécifiquement de notre main. Avoir pleinement conscience de sa main, en percevoir le mouvement ou l’immobilité, sentir les doigts qui en font partie comme autant d’éléments indépendants, développer sa sensibilité tactile a une répercussion sur le développement de l’intelligence et sur la manière dont le cerveau reçoit et emmagasine ces informations. Les recherches en neurosciences actuelles montrent à quel point le monde sensoriel influe notre mode de pensée, et peut participer à l’éducation. Nous pensons avec notre corps ! Cette idée de poète est maintenant une proposition scientifique, et les intuitions de Marie Jaëll se trouvent confirmées par les expérimentations d’aujourd’hui. Les ouvrages de Jean Pierre Changeux, “L’homme neuronal”, ou de Alain Berthoz, “Le sens du mouvement”, “L’esprit de décision”, “La simplexité” et bien d’autres sont dans la lignée des recherches de Jaëll, et témoignent de son actualité . L’expression musicale authentique passe par la conscience de notre physiologie reliée à notre pensée musicale. L’affinement de la sensibilité de nos mains, la recherche du mouvement juste, mettent en lumière les liens qui aident à trouver cette unité d’être du musicien, au seul service de la musique. |